3 raisons pour lesquelles il est important de savoir pourquoi un traitement fonctionne

Dans la blogosphère, il existe des blogs de très haute qualité, avec de nombreuses références scientifiques, qui partagent des connaissances actuelles. Le problème: tout est en anglais et il n’y a encore que très peu d’informations en français.

Mon confrère et ami Laurent Fabre m’a parlé d’un article sur le merveilleux blog « Better Movement » écrit par Todd Hargrove. Nous l’avons contacté et il nous autorise à utiliser son texte, traduit par Laurent. Le voici ci-dessous.

 

Traduction du blog de Todd Hargrove (cliquer ici pour avoir la version originale)

3 raisons pour lesquelles il est important de savoir pourquoi un traitement fonctionne .

Pourquoi exactement quelqu’un se sent mieux après un massage, la pose d’ aiguilles d’acupuncture, un palper-rouler, un traitement chiropratique (ou ostéopathique), le port d’un K-Tape, ou après avoir exécuté des exercices de mobilité ou bien un étirement des ischio-jambiers?

Il y a quelques réponses valables à cette question, et le fait surprenant que je tiens à souligner ici, c’est que, bien souvent, le thérapeute ne les connaît pas ou n’y prête même pas attention. Il se peut que le thérapeute ait entendu les bonnes réponses, mais préfère les fausses réponses habituelles plus faciles à croire mais qui ne sont pas recevables selon les critères scientifiques modernes.

Voici certaines mauvaises explications :

  • Le palper rouler n’agit évidemment pas en brisant les adhérences ou en faisant fondre le fascia ;
  • La manipulation vertébrale (chiropraxie, ostéopathie, étiopathie) ne remet pas en place les articulations « déplacées » ;

Tout cela ne veut pas dire que les traitements ci-dessus sont inutiles pour aider les patients à se sentir mieux.

Cela signifie simplement qu’ils ne fonctionnent pas de la manière annoncée. Et non, cela ne signifie pas que tout n’est qu’une histoire de placebo (qui est un mot déroutant sans signification claire.)

En général, il semble que les thérapeutes ont une forte tendance à s’attacher à l’idée que le problème se trouve dans les tissus du patient (« issue is in the tissues »). Et ils ont tendance à ne pas s’intéresser aux systèmes les plus complexes du corps – le système neuro-immnuo immuno-endocrinien , le système nerveux autonome – qui sont très sensibles, même à une entrée mineure, et qui peuvent avoir une grande influence sur notre façon de nous déplacer et notre bonne forme.

Peut-être  est-ce parce que ces systèmes sont moins visibles, ou tangibles, ou tout simplement parce que les praticiens n’ont pas appris à s’y intéresser au cours de leurs études.

Au cours de ma formation de Rolfer, j’ai appris que le Rolfing fonctionne en changeant le fascia.
Donc, à la suite d’un traitement, quand les gens quittaient ma table en déclarant se sentir plus grand, ou relâché, ou avaient moins mal, nous pensions que nous avions modifié la structure du fascia et qu’elle s’était en quelque sorte améliorée.

Après avoir fait quelques recherches sur la déformabilité du fascia en réponse à une pression manuelle, je conclus que ce n’était pas une bonne explication pour nos observations.

Une meilleure explication impliquerait le système nerveux, qui ajuste constamment la tension musculaire, les habitudes de déplacement, de perception et de sensibilité à la douleur en réponse à de nouvelles informations sensorielles, y compris la nouvelle information hautement sensorielle causée par la thérapie manuelle.

Bien sûr c’est un peu catastrophique d’apprendre qu’un pilier central de notre éducation s’écroule. Mais la bonne nouvelle est que ça ne veut pas dire que notre traitement est inutile pour nos patients. Ça n’a rien à voir.

En fait, je me disais – « OK, ce n’est pas le fascia, mais cela ne signifie pas que je ne peux pas aider les gens. »

Mais pour de nombreux Rolfeurs, tout vient du fascia. Pour les chiros c’est une histoire de subluxation, ‘pour les ostéos une histoire de dysfonction somatique [ajouté par le traducteur]) , pour les pratiquants Reiki, une question d’énergie et pour d’autres c’est une question de mauvaise posture, d ‘instabilité corporelle, de déséquilibres musculaires ou de schéma moteur perturbé.

Et bien sûr, beaucoup d’autres vont dire: « Je me fiche de comment fonctionne mon traitement, je sais juste que cela fonctionne, à quoi ça sert d’essayer de savoir pourquoi ? »

Voici trois raisons pour lesquelles il est important de savoir pourquoi votre traitement fonctionne.

  1. Si vous savez comment quelque chose fonctionne, vous pouvez l’améliorer

Cela devrait être évident. Si vous savez où est la cible, il est plus facile de frapper dans le mille.

Supposons que l’étirement ou le massage fonctionne pour créer une meilleure amplitude de mouvement en obtenant un relâchement musculaire. (Assez raisonnable, non? Et soutenue par la recherche!)

Mais si vous pensez que cela fonctionne en brisant avec force les adhérences ou physiquement par un allongement des tissus, même si vos clients restent détendus, vous pourriez vous éloigner du but de votre traitement.

Quand je travaille sur quelqu’un je demande toujours «comment ressentez-vous cela?» La réponse habituelle de certains clients qui pensent qu’il faut modifier la structure du fascia est : « Ne vous inquiétez pas pour moi, j’ai une très haute tolérance à la douleur, faites ce que vous avez à faire. »

Et je me dis: « Eh bien, je dois savoir ce que vous ressentez parce que c’est l’un des principaux objectifs de ce travail. »

Mais si mon but était de faire lâcher le fascia ou les « nœuds musculaires », je ne me soucierais pas du ressenti de mon patient et je ne ferais pas mon boulot du mieux possible.

  1. Conséquences non intentionnelles

Imaginez que quelqu’un avec une cervicalgie va chez un chiropraticien, qui lui dit que son articulation est « déplacée », et qui la « replace » et que le patient se sente immédiatement beaucoup mieux.

Où est le mal si les patients pensent que le soulagement de la douleur provient d’un replacement (ou réalignement)?

A court terme, ce n’est peut-être pas grave, mais, curieusement, les idées préconçues finissent toujours par devenir problématiques.

Si sa douleur du cou revient, le client pense que son cou doit être « déplacé » de nouveau donc qu’il a besoin d’un autre « craquement ».

Alors, même si on lui offre d’autres solutions possibles comme l’exercice, le repos, ou le mouvement en douceur, la douleur peut persister.

Le patient pourrait alors éventuellement développer une croyance pathologique : que son cou est fragile et instable.

Cela peut avoir un effet nocebo, créer davantage de douleur et la peur de bouger (Fear Avoidance Belief).

J’ai vu de nombreux clients avec de telles idées fausses qui leur ont coûté du temps et de l’argent et valu de l’anxiété et de la confusion. Et je ne pense pas uniquement aux clients des chiropraticiens.

J’ai vu ce phénomène chez des enseignants de yoga toujours à la recherche de l’étirement, chez des praticiens de Pilates toujours à la recherche de stabilisation, d’exercices correctifs cherchant le moindre déséquilibre musculaire. Je l’ai vu aussi chez les fanatiques de mobilité articulaire se mobilisant perpétuellement, comme si leurs articulations avaient besoin d’un bain constant de liquide synovial. Peut-être croient-ils, qu’après seulement quelques minutes de stase, leur fascia vont former une sorte de tricot qu’il faudra dénouer. « La rouille ne dort jamais! »

Tous ces comportements pathologiques finalement proviennent de croyances erronées grâce auxquelles certaines thérapies ont bien fonctionné pour eux dans le passé.

Ces croyances se rassemblent autour de l’idée que leurs thérapeutes ont « résorbé ou guéri le tissu malade ou mal positionné» par opposition à « ajusté temporairement la sensibilité du système nerveux » par un changement de perception temporaire (ajouté par le traducteur).

Le point à retenir est que les croyances erronées, quelles qu’elles soient, sont comme des virus – qui se multiplient, se transmettent et mutent pour former des super-microbes, et pour éventuellement causer des maladies.

Message à retenir à l’attention des thérapeutes : ne les diffuser pas !

  1. C’est une question de vérité

La vérité a une valeur intrinsèque, même si son application pratique n’est pas immédiatement évidente.

La connaissance est toujours puissante – pour vous, vos clients, et pour toute la communauté.

Nous ne savons pas encore exactement pourquoi les gens sont atteints de douleur chronique et quelles sont les meilleures façons de la traiter.

Même si cette connaissance n’a pas encore été établie, cela ne signifie pas qu’il est inutile d’en apprendre davantage. Dès que l’on commence à s’éloigner de la désinformation et de la confusion, on se rapproche de la vérité.

Avouons-le, la vérité est bonne et l’ignorance craint. Voici quelques citations de gens intelligents pour étayer mon propos.

–David Deustch : Tous les maux proviennent d’un manque de connaissance (« All evils are caused by lack of knowledge. »

— Richard Feynman : Je pense qu’il est plus intéressant de vivre sans savoir que d’avoir des réponses qui pourraient être fausses (“I think it’s much more interesting to live not knowing than to have answers which might be wrong.” )

— Mark Twain : Ce qui vous met dans le pétrin, n’est pas de ne pas savoir. C’est de croire avec certitude ce qui n’est pas certain. (« It ain’t what you don’t know that gets you into trouble. It’s what you know for sure that just ain’t so. »)

–Joe Klaas : La vérité te libèrera mais d’abord elle te fera bien chier (“The truth will set you free, but first it will piss you off.”

Ajouté par le traducteur :

A l’attention des thérapeutes et des patients qui sont prêts à changer de croyances par rapport à la douleur, voici un lien de cours sur la douleur en français (8 petites leçons de moins de 2 minutes chacune).

C’est un bon début pour effleurer les neurosciences et la douleur, et comprendre quelle pourrait être l’action de la thérapie manuelle sans avoir besoin de CROIRE à un replacement de vertèbre, un ajustement, un équilibrage de posture, d’os du crâne ou encore d’une synchronisation avec le souffle de vie…. http://www.retrainpain.org/francais

Traduction Laurent FABRE

Alors, bonne réflexion!

Todd Hargrove viendra en France pour enseigner les travaux de ses recherches en juillet 2016 au CFPCO. Plus d’informations, cliquez ici.

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