Le lait dans la recherche

Ah le lait! Aliment basique des bébés mammifères, il fait beaucoup parler de lui en ce moment. Que vous soyez futurs-parents, adultes ou seniors, vous vous posez peut être des questions par rapport à votre consommation de lait. Informez-vous afin de comprendre les détails de la question afin de prendre une bonne décision pour vous.

Qu’en est-il?

Dés la naissance, le petit d’homme consomme du lait – cela est essentiel à la vie. Aujourd’hui, en France, chaque Maman a le droit de choisir le type d’alimentation qu’elle souhaite donner à son bébé. Il y a controverse sur le sujet, avec les pros et les antis, personnellement je suis toujours du côté des parents, peu importe leur choix.

Un chiffre pour étonner les mamans: en France, le taux d’allaitement maternel est d’environ 74% (dont 59% exclusif) à la naissance et 39% à 3 mois (Salanave B, de Launay C, Boudet-Berquier J, Castetbon K. Durée de l’allaitement maternel en France (Épifane 2012-2013). Bull Epidémiol Hebd. 2014;(27):450-7. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/27/2014_27_2.html)
La médiane est donc de 3,5 semaines d’allaitement exclusif pour les bébés français.

epifane

Selon les chiffres de la Norvège (2007), près de 99% des enfants étaient allaités à la naissance, les taux d’allaitement maternels à 3, 6 et 12 mois étaient, respectivement, de 89%, 82% et 46%. A 3 mois, c’est quasiment 9 mamans sur 10! (Kristiansen AL, Lande B, Øverby NC, Andersen LF. Factors associated with exclusive breast-feeding and breast-feeding in Norway. Public Health Nutr. 2010;13(12):2087-96)

Les femmes allaitent davantage si elles ont un niveau d’études supérieur, si elles sont plus âgées, mariées, qu’elles n’ont pas fumé pendant la grossesse, ont suivi des cours de préparation à l’accouchement, ont eu un contact peau à peau avec leur bébé dans l’heure suivant l’accouchement, et surtout si leur conjoint a une perception positive de la femme qui allaite.

De nombreuses associations comme la leche league, coordination allaitement, solidarilait travaillent pour informer la population afin que chaque femme fasse le bon choix pour elle et son bébé.

 

Les derniers articles sur le lait infantile

Le lait infantile permet au bébé de grandir et de s’épanouir, lorsque l’allaitement n’est pas le choix de la Maman.

En cherchant bien, j’arrive à trouver un point positif dans la recherche en faveur du biberon. Un lien aurait été décelé entre le manque de vitamine D chez la femme enceinte puis chez le bébé dans les premières semaines de vie, qui pourrait être un facteur dans le développement de plagiocéphalie (crâne plat) – ainsi, le lait infantile étant parfaitement formulé en vitamine D, le taux est ainsi assuré chez le bébé. En France, les femmes qui allaitent prennent des compléments alimentaires dans ce but.
Weernink MG1, van Wijk RM, Groothuis-Oudshoorn CG, Lanting CI, Grant CC, van Vlimmeren LA, Boere-Boonekamp MM. Insufficient vitamin D supplement use during pregnancy and early childhood: a risk factor for positional skull deformation. Matern Child Nutr. 2014 Nov 8. doi: 10.1111/mcn.12153. [Epub ahead of print]

Tous les articles de recherche montrent que le lait maternel est meilleur pour le bébé, la maman et le budget de la sécurité sociale. Une dernière étude de 2014 sur le sujet montre un lien entre la prise de poids plus rapide chez les bébés nourris au lait infantile (infant formula) et le développement d’allergie et d’obésité. Melnik CB. The potential mechanistic link between allergy and obesity development and infant formula feeding.  Allergy, Asthma & Clinical Immunology 2014, 10:37  doi:10.1186/1710-1492-10-37 (lien)

 

La recherche sur le lait chez les adultes

Il y a de multiples études sur le bénéfices du lait sur la croissance des os, sur la santé en général et même des campagnes de pub qui nous disent qu’il faut consommer plusieurs produits laitiers par jour (des sensations pures). Ces produits contiennent 18 des 22 nutriments essentiels à la vie, donc ils sont utiles pour s’assurer d’avoir tout ce dont un adulte à besoin tout au long de sa vie!
Dairy in Adulthood: From Foods to Nutrient Interactions on Bone and Skeletal Muscle Health Jean-Philippe Bonjour, Marius Kraenzlin, Régis Levasseur, Michelle Warren, Susan Whiting. J Am Coll Nutr. 2013 August; 32(4): 251–263. Published online 2013 September 9. doi: 10.1080/07315724.2013.816604

Environ 35% des humains adultes continuent à produire la lactase, enzyme servant à digérer le lait, et les autres que font-ils?? Gerbault, P., Roffet-Salque, M., Evershed, R. P. and Thomas, M. G. (2013), How long have adult humans been consuming milk?. IUBMB Life, 65: 983–990. doi: 10.1002/iub.1227

Ce qui fait réfléchir beaucoup de scientifiques et donne lieu à d’énormes études épidémiologiques (étude de la population) sur le sujet. La dernière en date a été publiée le 28 octobre dans le BMJ (revue médicale britannique de très haut niveau) et concerne 61 433 femmes Suédoises et 45 339 hommes Suédois, soit 106 772 suédois (ce qui fait, ma foi, beaucoup de suédois et combien de meubles ikea?) donc environ 1% de la population suivi pendant 20,1 ans.

L’auteur explique que dans le lait il y a des nutriments essentiels, mais il y a également de la D-galactose qui peut avoir des effets secondaires. Dans les études réalisées sur des animaux, cette molécule est associée à de nombreuses maladies métaboliques ainsi qu’un vieillissement prématuré, dû un phénomène inflammatoire chronique – entraînant maladies cardio-vasculaires, cancers et ostéoporose. L’auteur indique qu’il semble étonnant de conseiller la consommation d’un aliment pour lutter contre l’ostéoporose, alors que la science montre qu’il peut provoquer un vieillissement des os.
Pour information, le lactose contenu dans un verre de lait correspond à environ 5g de galactose, alors que le taux de galactose dans 100g de fruits et légumes se mesure en microgrammes.

Suite à une revue de la littérature, l’article cite d’autres analyses qui ne montrent pas de lien clair entre les produits laitiers et les maladies diverses. Il raisonne que les yaourts et fromages contiennent d’autres propriétés, par rapport au lait qui n’est pas transformé par des bactéries ou autres.
L’auteur souhaite donc mesurer la quantité de lait ingérée par une population pour la comparer à d’autres indicateurs de santé: le niveau inflammatoire global, le risque de fracture et le décès prématuré.

La population a été sélectionnée grâce à des critères méthodologiques stricts. Chaque sujet a répondu à des questionnaires, dont une question portait sur la quantité de produits laitiers pris par jour, dont le lait (par unité de verre de lait de 200mL), le yaourt, le fromage etc.
Le questionnaire incluait également l’âge, l’apport énergétique total, l’indice de masse corporelle (IMC), la taille, le niveau d’éducation (≤9, 10-12,> 12 ans, autre), vivant seul (oui / non), la supplémentation en calcium (oui / non ), la supplémentation en vitamine D (oui / non), la non utilisation de la cortisone (oui / non), le régime alimentaire, l’activité physique, le tabagisme (jamais, ancien, actuel) et l’indice de comorbidité de Charlson.
Les autres variables potentielles inclues: le statut de la ménopause; la thérapie de substitution hormonale; l’apport de calcium, de vitamine D, de la graisse, de graisses saturées, le rétinol, l’alcool, le potassium, le phosphore, et des protéines; parité; et les antécédents de fractures de tout type.

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Puis les auteurs ont entrepris des recherches dans les divers bases de données Suédoises: le registre des décès (qui enregistre la cause du décès selon un code international du ICD – voir article sur le sujet ici), le registre des hospitalisations (pour mesurer le nombre de fractures) et les registres migratoires (pour savoir qui avait déménagé!). La Suède regorge de ces bases de données, qui sont une mine d’or pour les chercheurs.

Des tests en laboratoire ont été effectués pour 1330 sujets, afin de tester les bio-marqueurs présents dans l’urine, pour déterminer s’il y avait une corrélation entre la quantité de lait ingérée et une inflammation chronique (oxidative stress marker 8-iso-PGF2α et serum interleukin 6).

Résultats

La consommation moyenne de lait au départ était de 240 g par jour pour les femmes et 290 g par jour chez les hommes. Les personnes buvant le plus de lait étaient généralement celles qui consommaient le plus de calories, mais le moins d’alcool. Il n’y avait pas de différence significative entre les catégories de consommation de lait et l’IMC, l’utilisation de complément alimentaire, l’état matrimonial, la comorbidité, le niveau d’éducation, le tabagisme et le niveau d’activité physique.

Comment les médias pourraient utiliser cette information: si vous cherchez à vous marier, inutile d’augmenter ou de diminuer votre consommation de lait, la science prouve que cela n’aide pas à rencontrer l’âme soeur. 

Chez les femmes, les auteurs ont observé une association positive entre la consommation de lait et de la mortalité totale, ainsi que les fractures, surtout fracture de la hanche.
La consommation de lait correspondant à trois ou plusieurs verres de lait par jour (moyenne de 680 g par jour), contre moins d’un verre par jour (moyenne 60 g par jour), a été associée à un taux de risque de mortalité totale de 1,93 (1,80 à 2,06) dans les femmes, avec des estimations similaires pour environ la mortalité cardiovasculaire et un peu plus faible pour la mortalité par cancer (1,44, 1,23 à 1,69).  Pour les femmes qui consommaient plus de trois verres de lait par jour le taux de risque de fracture était de 1,16 (1.08 à 1.25) et fracture de la hanche était de 1,60 (1,39 à 1,84).

Les hommes suédois avaient aussi un taux de mortalité plus élevé avec une plus grande consommation de lait. Toutefois, le risque était moins prononcé que chez les femmes, avec un ratio ajusté de risque de 1,10 (95% intervalle de confiance, 1.03 à 1.17) pour trois ou plusieurs verres de lait par jour (moyenne de 830 g par jour), contre moins d’un verre par jour (moyenne 50g par jour) et a été principalement associée à une augmentation du taux de décès d’origine cardiovasculaire. Aucune réduction du nombre de fractures avec l’augmentation de la consommation de lait a été observée chez les hommes.

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Pour les produits laitiers, dans le groupe des femmes: la consommation de yaourts et de fromages était inversement proportionnelle au risque de fracture et de décès, à l’inverse de la consommation de lait.
Dans le groupe des hommes, pas de résultats significatifs.

Par rapport aux marqueurs inflammatoires: des corrélations significatives ont été signalées, entre la consommation de lait et les 8-iso-PGF2α dans les deux groupes et avec les interleukines 6 chez les hommes.  En revanche, pas de corrélation significative avec la consommation d’autres produits laitiers.

Les auteurs: « Nous avons observé que plus la consommation de lait augmente, plus il y a de risques de fractures et de mortalité chez les femmes, un taux de mortalité plus élevé chez les hommes, ce qui ne semble pas être le cas avec d’autres produits laitiers. La consommation de lait n’a pas été associée à un taux de fracture plus élevé chez les hommes. Il y avait des associations positives entre la consommation de lait et des concentrations de marqueurs de stress oxydatif et d’inflammation. »

Discussion et critiques

Les personnes les plus à risque de fractures/ostéoporoses n’auraient pas justement consommé plus de lait?
Les auteurs argumentent que grâce au design de leur étude et la séparation entre la consommation de lait et les produits laitiers permet de montrer que la consommation de produits laitiers fermentés ne sont pas associés à la consommation de lait seul. Ainsi, les personnes à risque auraient augmentés leur consommation de lait et d’autres produits laitiers.
De plus, au cours de l’étude sur les 20 ans, la consommation de lait n’a pas varié en fonction d’autres comorbidités (exemple: une femme qui a une fracture ne consomme ensuite pas plus de lait)

Comparaison à d’autres études: beaucoup autant d’hétérogénéité?
Les auteurs citent de nombreuses études, qui montrent une corrélation entre produits laitiers et maladies cardiovasculaires/diabète/ostéoporose alors que d’autres, diamétralement opposées montrent le contraire. La modération est de mise: en fonction de la sélection de la population, les méthodes scientifiques utilisées (dont les questionnaires) et le type de produits laitiers observés.
De plus, la corrélation en démontre pas le lien de cause à effet. Il n’est donc pas possible de conclure de cet article que le lait pourrait « causer » des fractures.
Il faut donc modérer les résultats et continuer la recherche afin de pouvoir comparer à de futures études et recherches. Aucun article de recherche n’est à utiliser seul, mais à comparer à toutes les ressources disponibles.

Une consommation plus élevée de lait chez les femmes et les hommes n’est pas accompagnée par une diminution du risque de fracture et peut être associée à un taux de mortalité plus élevé. Par conséquent, il pourrait y avoir un lien entre le lactose et galactose contenu dans le lait et l’augmentation du risque, même si la causalité ne pourrait être testée qu’en utilisant des études expérimentales. Nos résultats peuvent remettre en question la validité des recommandations de consommer de grandes quantités de lait à prévenir l’apparition de fractures. Les résultats devraient cependant être interprétés avec prudence compte tenu de la conception de notre étude observationnelle. Les résultats méritent une réplication indépendante avant qu’ils ne puissent être utilisés pour des recommandations diététiques.

 

La science avance! 

Alors que j’étais en train de surfer sur le web pour réaliser les recherches nécessaires à l’élaboration d’un tel article, je suis tombée sur un article sur PubMed qui m’a fortement perturbée. Un article intitulé: « La production de lait, la consommation, la digestion, les paramètres sanguins, et le comportement alimentaire des vaches complétés par des sous-produits de l’industrie du biodiesel. »

Pardon?

Ainsi j’apprends qu’on boit du lait, produit par des vaches, qui mangent des dérivés de biodiesel. J’apprends également que « La protéine est un nutriment essentiel pour les animaux, et surtout pour les vaches laitières, car la production de lait nécessite plus de protéines que la production de viande. (…) Par conséquent, si de bons rendements laitiers sont à atteindre, les besoins en protéines des vaches laitières doivent être remplies. »
Le problème, c’est que ces compléments alimentaires protéinés sont toxiques pour les vaches… « la production de lait ne peut être soutenue en raison de l’effet négatif sur l’animal (Orskov et Dolberg, 1985) » Ah bah oui, pas facile de donner de la prot’ à des herbivores pour qu’ils produisent plus de lait.

Neto SG, Oliveira RL, de Lima FH, de Medeiros AN, Bezerra LR, Viégas J, do Nascimento NG Jr, de Freitas Neto MD.
Milk production, intake, digestion, blood parameters, and ingestive behavior of cows supplemented with by-products from the biodiesel industry. Trop Anim Health Prod. 2014 Oct 16. [Epub ahead of print]

Et bon appétit bien sûr!

 

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