La période estivale a été fructueuse: repos, farniente, repos et farniente. Je reprends donc mon activé de blog dés aujourd’hui!
Certains d’entre vous sont peut être abonnés à l’Ostéopathe Magazine? Dans le dernier numéro, un article sur le buzz crée autour de l’utilisation des antibiotiques pour soigner la lombalgie chronique. J’entre dans cet article dans le détail des études décrites dans les médias. Médias qui n’ont pas hésité à faire sensation par la suite sur cette découverte « extraordinaire ».
Ce qu’en dit la presse – in Ostéopathe Magazine numéro 18, été 2013
Les auteurs des articles scientifiques se sont entourés d’un neurochirurgien, le Dr. Peter Hamlyn. Au delà de son parcours sans faute (étudiant en neurologie, puis en chirurgie, chef de service, consultant médicale pour les JO de Londres etc) il est également un excellent homme d’affaires. Le 7 mai 2013, il organise une conférence de presse à Londres, se présentant comme un chirurgien orthopédique spécialisé dans la colonne vertébrale. Dr. Hamlyn a pensé à tout: petits fours et cocktails pour un petit coup de pouce. Il a d’abord monté la société MAST Medical, son académie, son site internet et évidemment son service de paiement bancaire en ligne.
D’après The Independent (7 mai 2013), un journal anglais sérieux, un demi-million de lombalgiques « pourraient être guéris avec des antibiotiques ». L’auteur de l’article conclut que cette découverte est de « l’étoffe de prix Nobel ». Un de ces concurrents, metro.co.uk (journal gratuit distribué dans le métro) ajoute que le mal de dos « pourrait être guéri avec une dose d’antibiotiques d’une valeur de £114 ». L’auteur rapporte que le traitement pourrait soulager un sous-groupe de patients souffrants de lombalgie basse chronique.
Le lendemain, c’est Le Monde qui s’y met: « Les antibiotiques permettraient de soigner le mal de dos chronique (…) dans 40% des cas, le mal de dos serait provoqué par une bactérie, et qu’un traitement antibiotique permettrait donc de soulager la douleur. (..) 80 % des 162 participants à l’étude – qui souffraient de douleurs depuis plus de six moins après une hernie discale et la formation d’un œdème autour de la colonne vertébrale – ont affirmé moins souffrir après la prise d’antibiotiques trois fois par jour pendant cent jours » Le monde (8 mai 2013)
D’où sortent ces chiffres ? Aucun texte ne parle de ces 40 %. Mais une confusion peut-être : 35 à 40 % des lombalgiques auraient des modifications Modic vues à l’IRM, qui seraient associées à une bactérie selon Albert et al. Mais cela n’est absolument pas prouvé. Qu’en est-il des 80 % qui vont mieux ? Les chiffres sont globaux et le texte ne permet pas de conclure sur le chiffre de ceux qui vont mieux. Par ailleurs, les chercheurs ont utilisé de nombreux critères de jugement très précis qui n’ont pas été repris par les journalistes (questionnaire de qualité de vie, nombres de jours de douleurs, etc.). Les journalistes n’ont donc pas vérifié leurs sources…
On continue avec Le Parisien, le 22 mai (un peu à la traine par rapport à ses concurrents!) avec mon accroche préférée: « Mal de dos : et si c’était la faute d’une bactérie ? »
Extrait: « [l’étude] montre en effet qu’une partie des 61 patients suivis pour l’étude, qui ont reçu pendant cent jours un antibiotique associant de l’amoxicilline à l’acide clavulanique (…) a eu nettement moins mal au dos ».
Pas de chance, ce n’est pas le bon nombre de patients. Les journalistes du parisien et le rhumatologue interrogés ont confondu deux études de la même auteure, mais sur des sujets différents… Cette information a été reprise par d’autres, sans vérification des sources.
Décryptage – in Ostéo Mag Été 2013
Cela donne donc: des journalistes qui ne vérifient pas leurs sources des patients qui demandent s’il devraient plutôt prendre des antibiotiques, et des ostéopathes qui ne savent pas trop quoi répondre parce qu’ils n’ont pas lu les articles concernés!
Lorsqu’une info est vulgarisée dans les médias, je vous conseille de mener un travail d’enquêteur pour réussir à trouver les articles sources. Il faut ensuite se procurer ces articles et les déchiffrer…
Ici, nous notons d’après les articles que l’auteure principale et le Dr. Hanne Albert. Direction PubMed, recherche avec les mots clés « Hanne Albert 2013 » et voilà! Abstracts de l’Article 1 et l’Article 2. Un rapide copier-coller dans un traducteur en ligne permet de dégrossir l’abstract afin de comprendre l’essentiel. L’analyse des articles est en page 34 à 37 de l’ostéopathe magazine n°18, Été 2013 [extraits ici].
L’avantage de l’enquête sur le web est qu’on peut trouver des informations étonnantes sur Internet, par exemple le CV du Dr. Hamlyn. Nous y apprenons qu’il aime jouer du banjo, contre l’avis de sa femme et de sa famille. Information capitale, donc.
Aie ça craint! Ca veut bien dire qu’il faut même se méfier de la presse spécialisée…. Merci pour vos recherches et, plus généralement, pour ce blog de qualité.
Merci beaucoup!