Étant enseignante dans une école d’ostéopathie (CEESO, Paris), je suis confrontée à de nombreuses demandes d’étudiants, notamment sur l’idée de pratiquer à l’étranger. L’offre est largement supérieure à la demande en France, les étudiants en ostéopathie sont tous au courant de l’augmentation de la démographie ostéopathique en France. Les pouvoirs publics ont abandonné l’ostéopathie, car après la reconnaissance de 2002, les décrets ont tardé… les écoles se sont multipliées (plus de 70 aujourd’hui!) avec des qualités de formation très différentes. Aujourd’hui, les jeunes souhaitant devenir ostéopathes sont confrontés à deux problèmes de taille: quelle école choisir et où ensuite s’installer.
En ce qui concerne les écoles, j’en connais quelques unes en France qui sont d’excellentes qualité, mon but ici n’étant pas de faire de la pub pour telle ou telle école. Lorsque j’ai moi même était confronté à ce choix alors que l’ostéopathie était encore une pratique illégale de la médecine, j’ai fais le choix de partir à l’étranger pour recevoir une formation de qualité et un diplôme reconnu. Je ne regrette pas ce choix et continue à encourager les étudiants en ce sens: prenez une année de réflexion, allez travailler dans un pays anglo-saxon pour vous faire à la langue, puis entrez dans une école d’ostéo en Angleterre, afin de valider en 4 ou 5 ans un diplôme reconnu, un diplôme universitaire (license ou master, selon les écoles) et surtout le laissez-passez pour pratiquer en Angleterre (vous aurez accès au GOSC, qui encadre l’ostéopathie) et ainsi la porte sera ouverte plus facilement vers le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande et Singapour, entre autres.
Une fois que vous avez décidé de faire vos études en France et que vous avez envie d’ailleurs, je vous suggère de commencer par des « mobilités », en espérant que votre école vous les propose. Ce sont de courts ou longs stages dans des écoles partenaires, soit par ERASMUS, soit pas OSEAN. Vous pourrez ainsi découvrir les méthodes de pratique et d’enseignements de différents pays.
Une fois le diplôme en poche, vous avez plusieurs choix, que j’exposerai ici point par point.
Travailler bénévolement et voyager accompagné
Certaines et certains ont envie d’ailleurs, de partager leurs connaissances, approfondir leur pratique, d’expérience et… de paix dans le monde! Je l’ai compris car j’ai moi même fait cette expérience en 2007. Le paradoxe, c’est que pour faire du bénévolat il faut souvent beaucoup d’argent. Les associations et organismes qui ont pris le partie d’aider les jeunes diplômés à partir n’ont pas assez d’argent pour financer votre voyage! Parfois le logement/la pension n’est pas prise en compte non plus.
Pour les moins aventuriers avec quelques deniers, il existe des associations ostéopathiques qui organisent les voyages. Lorsque je suis partie, j’en ai contacté plusieurs, mais je n’ai eu aucun retour. Aujourd’hui, il semble y avoir plus de réactivité, parfois même les organisateurs profitent des jeunes pour voyager gratuitement. Faites bien attention à vous.
Une association que je suis depuis plusieurs années et « Ostéopathie Solidarité Développement« . Ils travaillent dur dans la Région-Rhône-Alpes ainsi qu’à l’étranger. Une de mes étudiantes, maintenant ostéopathe DO, est partie au Népal avec OSD et a été ravie de son séjour. Je vous mets en lien la vidéo liée à la collecte de fond, qui explique que les ostéopathes participants à ce voyage doivent financer leur billet d’avion, visa et vaccins par contre c’est OSD qui prend en charge l’hébergement et la nourriture sur place. Pour l’instant, ces missions manquent de régularité, mais il faut du temps, beaucoup d’énergie et d’argent pour réussir à mettre en place un partenariat durable.
Il y a une association qui se concentre sur l’île Sainte Marie à Madagascar, « Les Enfants de la Buse » – soins ostéopathiques et médicaux dans une île, toujours au même endroit pour assurer le suivi avec un voyage une fois par an. Leurs missions semblent très bien organisées, visite dans les écoles et consultations sur place des élèves en bonne et en moins bonne santé. La prise en charge semble très intelligente, avec une réelle éducation des enfants et de leurs parents, notamment en prévention médicale. D’après le site, j’ai l’impression qu’on parle ici de médecins ostéopathes, kiné-ostéo et sage-femme ostéo qui donnent de leur temps pour aller soigner les enfants nécessiteux. Une belle initiative!
Une toute nouvelle association est « Étudiants Ostéopathes du Monde » crée par des étudiants de l’ISO Paris Est, j’espère qu’ils accepteraient les candidatures d’autres étudiants et jeunes diplômés pour partir au Sénégal. La page facebook semble être mise à jour plus fréquemment que le site, avec des commentaires élogieux sur la première mission et des étudiants motivés qui enchainent les collectes de fonds pour repartir!
Une autre association qui fait parler d’elle est « ostéopathes et enfants du monde« . C’est une des associations qui ne m’avait pas répondu à l’époque, mais je ne garde aucune rancœur! Je me souviens avoir laissé plusieurs messages sur les répondeurs des principales responsables, sans plus de nouvelles. J’espère que cela a changé depuis. l’inconvénient, c’est qu’il ne semble pas avoir de suivi dans les missions, les ostéos se déplacent à peu près une fois par an, mais il ne semble pas avoir de continuité (d’après ce que j’ai pu lire sur le site): les sites sont toujours différents, les « missions » dans chaque endroit durent quelques jours. Les ostéopathes voulant donner de leur temps doivent prendre en charge intégralement le voyage et les frais sur place.
Un dernier site: Osteopathy Without Borders, à priori fondé par un français qui depuis s’est exporté au Canada, ils réalisent des missions au Pakistan uniquement, de 2007 à 2011. Pas de mises à jour du site depuis cette date, à surveiller, donc!
Voyager de manière indépendante
Pour moi, la meilleure manière de voyager… On peut décider de monter une équipe à plusieurs ou partir seul. J’ai fais ce choix, notamment pour l’Inde. Un ami de promo m’a invité à son mariage traditionnel indien, dans la région du Gujarat pour janvier 2007. Étant très proche de cet ami et adorant voyager, je ne pouvais refuser son invitation! J’ai donc commencé à chercher, dans un premier temps, des associations qui m’aiderait à partir. J’ai été très déçue de certaines approches et du manque de réactivité. J’ai fais mes propres recherches et j’ai cherché des instituts indiens qui étaient dans la démarche de collecte de fond ou de demande d’aide extérieure. J’ai sélectionné plusieurs endroits, notamment dans le Nord et l’Ouest de l’Inde, pour éviter les grands voyages. J’ai trouvé un hôpital qui s’occupait des enfants: Gwalior’s children hospital.
J’ai e-mailé le responsable, qui m’a tout de suite invité à les rejoindre. Il m’offrait le logis et la pension en échange de services rendus. J’ai immédiatement accepté. Après le mariage et un détour par Agra pour découvrir le Taj Mahal, je suis allé dans l’hôpital par mes propres moyens. Une fois sur place, j’ai été extrêmement déçue: l’hôpital était totalement vide. En fait le centre était en pleine évolution: la construction du centre d’accueil Snehahaya. Un centre extraordinaire qui accueille des orphelins, souvent en situation de grand handicap. Il y avait beaucoup de bénévoles, qui venaient régulièrement et connaissaient les enfants.
J’ai travaillé avec les kinés locaux, qui étaient très mal formés et vraiment blasés, pour leur enseigner quelques techniques simples pour améliorer le quotidien des enfants. J’ai également revu avec eux l’ergonomie des enfants en fauteuil roulant. C’était une aventure extraordinaire – beaucoup de bonheur, mais également beaucoup de déceptions. Le directeur continuait à faire croire aux donateurs que l’hôpital était ouvert et fonctionnait, donc il continuait à recueillir des dons. Il avait une magnifique maison, plusieurs voitures et vivait dans le luxe. Cela m’a attristé, mais c’est la culture indienne qui veut cela: le système des castes est très codifié, ce que fait le directeur est déjà incroyable!!!
Il faut être prêt pour ce genre de voyage, j’avais déjà bien voyagé auparavant, je parle couramment l’anglais et j’ai une très grande foi en la bonté humaine. Nous avons rendu visite aux enfants de l’orphelinat voisin. Le terme de précarité n’était même pas assez fort. J’ai vu un jeune handicapé, allongé dans son urine, se faire arracher une oreille par un singe qui voulait lui voler son maigre repas… Et encore c’est l’anecdote la moins « trash » de mon périple là-bas.
Je vous conseille donc de faire vos propres démarches, de visiter plusieurs endroits différents (je me suis également rendue dans d’autres orphelinats, mais l’accueil était plus chaleureux à Snelahaya). Au final, j’y ai passé plusieurs semaines. Ce qui était agréable c’était également qu’il y ait d’autres occidentaux, ce qui permettait d’échanger à un niveau très profond. Je me suis fais des amis pour la vie, car nous avons traversé des épreuves hors du commun, solidaires. Pour plus de détail sur cette aventure, rendez-vous sur cette page.
N’oubliez pas qu’une action ponctuelle c’est bien, mais une action sur le long terme, c’est mieux. J’ai essayé lors de mon séjour de former le personnel soignant à d’autres méthodes et techniques, mais je ne sais pas si celles-ci ont été mises en place par la suite. J’avais imaginer organiser une structure qui permette à des étudiants de s’y rendre pour suivre le projet, mais la vie en a décidé autrement. Je pourrais toujours y revenir, ou vous encourager à le faire: là ou ailleurs. Quoi qu’il en soit, je vous encourage à pérenniser votre action, car nombreux sont les bénévoles qui débarquent et puis s’en vont aussi vite qu’ils sont venus, sans avoir d’action sur le long terme.
Travailler bénévolement en France
Lorsque j’étais en Inde, à œuvrer pour le bien de l’humanité, je me suis rendue compte que j’avais été naïve de partir aussi loin de chez moi, alors que la misère est partout en France. Je conseillerai à tout étudiant ou ostéo de prendre du temps pour contacter des associations qui œuvrent en France, avant de se lancer dans les grands voyages à l’étranger. Ce n’est pas le but de ce billet, mais je vous encourage à aller sur cette page du site de l’UFOF, pour avoir la liste (non exhaustive) des différentes associations en France. De nombreuses écoles d’ostéopathie ont également leurs propres démarches avec des associations caritatives.
Voyager pour apprendre
En revenant d’Inde, je me suis rendue compte également de mon apparent supériorité face aux cultures des pays émergents. J’ai appris beaucoup sur les autres, la thérapie manuelle, mais surtout sur moi-même. J’ai très vite eu d’autres projets de voyage, mais cette fois, plutôt que de me centrer sur le bénévolat: « je suis Européenne, j’ai les moyens de venir jusqu’à chez vous, de soulager ma conscience et de repartir dans mon petit confort » j’ai décidé d’apprendre des autres. Lors de mon voyage en Inde, je me suis rendue compte que malgré la pauvreté extrême, la précarité médicale et le climat difficile, les indiens avaient quelque chose que je n’avais pas. A ce jour, je n’arrive pas à le définir: était-ce la spiritualité? la générosité? la gentillesse? Dans tous les cas, ils savaient se contenter de peu et profiter de chaque petit bonheur au quotidien.
A mon retour, je me suis rendue compte qu’ils m’avaient apporté plus que je ne leur avais donné et j’ai décidé de continuer mes voyages, non pas dans le but de donner, mais dans l’échange et le partage. Je posterai un billet sur ce sujet prochainement.
S’installer à l’étranger
…sera le thème du prochain billet.